L’assurance vie est un placement financier prisé des Français, mais il arrive parfois que ces contrats tombent dans l’oubli en raison d’un déménagement, d’un changement de situation familiale ou simplement par méconnaissance. De nombreux contrats d’assurance vie restent ainsi non réclamés chaque année. Cette situation, appelée déshérence, demeure un enjeu de taille pour les épargnants et leurs bénéficiaires. Quels sont les rouages de la déshérence ? Existe-t-il des moyens de retrouver un contrat oublié ? Découvrez les astuces et les procédures pour ne pas perdre le bénéfice de cette épargne parfois conséquente et obtenez plus d’informations en contactant votre partenaire financier mutualiste.

La description et le cadre légal des contrats d’assurance vie en déshérence

Selon la définition de déshérence, un contrat d’assurance vie est considéré en déshérence lorsque, à son terme ou au décès de l’assuré, les capitaux ne peuvent être versés aux bénéficiaires désignés. Cette situation peut survenir pour diverses raisons, notamment lorsque l’assureur n’a pas connaissance du décès de l’assuré ou ne parvient pas à identifier ou localiser les bénéficiaires. La déshérence s’applique également aux contrats dont les titulaires sont encore en vie mais n’ont pas effectué d’opérations depuis de nombreuses années.

Devant l’ampleur du phénomène, le législateur a mis en place un cadre juridique strict pour encadrer la gestion des contrats en déshérence. La loi Eckert, promulguée en 2014, a marqué un tournant en imposant de nouvelles obligations aux assureurs et en renforçant la protection des épargnants et de leurs ayants droit. Cette loi vise à limiter le nombre de contrats non réclamés et à faciliter la recherche des bénéficiaires.

La déshérence des contrats d’assurance vie est évaluée à des milliards d’euros de capitaux non réclamés chaque année.

Le processus d’identification des contrats non réclamés

L’identification des contrats d’assurance vie non réclamés repose sur un processus rigoureux impliquant différents acteurs du secteur financier. Ce processus vise à réduire le nombre de contrats en déshérence et à faciliter la restitution des capitaux aux bénéficiaires légitimes.

L’intervention de l’AGIRA dans la recherche des bénéficiaires

L’Association pour la Gestion des Informations sur le Risque en Assurance (AGIRA) possède un rôle central dans la recherche des bénéficiaires de contrats d’assurance vie. Cette association, créée par les assureurs, permet aux particuliers de vérifier s’ils sont bénéficiaires d’un contrat d’assurance vie dont ils ignoreraient l’existence. L’AGIRA centralise les demandes et les transmet à l’ensemble des assureurs, qui ont l’obligation de vérifier dans leurs bases de données si le demandeur est effectivement bénéficiaire d’un contrat.

Les obligations des assureurs selon la loi Eckert de 2014

La loi Eckert a renforcé les obligations des assureurs en matière de gestion des contrats en déshérence. Désormais, les compagnies d’assurance doivent vérifier annuellement l’identité de leurs assurés au regard du répertoire national d’identification des personnes physiques (RNIPP). Elles doivent également informer les souscripteurs et les bénéficiaires connus de la situation de leurs contrats et rechercher activement les bénéficiaires des contrats dont les assurés sont décédés. Par ailleurs, ces compagnies ont l’obligation de publier chaque année le nombre et l’encours des contrats non réglés et de transférer les sommes non réclamées à la Caisse des Dépôts et Consignations après un délai légal.

Ces règles visent à réduire le nombre de contrats en déshérence et à faciliter la restitution des capitaux aux ayants droit. Les assureurs doivent désormais faire preuve d’une plus grande proactivité dans la recherche des bénéficiaires et la gestion des contrats inactifs.

L’utilisation du répertoire national d’identification des personnes physiques (RNIPP)

Le Répertoire National d’Identification des Personnes Physiques (RNIPP) est un support indispensable à la lutte contre la déshérence des contrats d’assurance vie. Ce répertoire, géré par l’INSEE, recense l’ensemble des personnes nées en France métropolitaine et dans les départements d’outre-mer, ainsi que les personnes nées à l’étranger qui acquièrent la nationalité française. Les assureurs ont l’obligation de consulter ce répertoire au moins une fois par an pour identifier les assurés décédés.

L’utilisation du RNIPP permet aux assureurs de détecter rapidement les décès de leurs assurés et d’enclencher les démarches nécessaires pour rechercher les bénéficiaires et procéder au règlement des capitaux. Cette vérification systématique contribue à réduire le nombre de contrats tombant en déshérence par méconnaissance du décès de l’assuré.

Les délais légaux avant le transfert à la caisse des dépôts et consignations

La loi Eckert a instauré des délais pour le traitement des contrats d’assurance vie non réclamés. Lorsqu’un contrat est identifié comme potentiellement en déshérence, l’assureur dispose d’un délai pour rechercher les bénéficiaires et procéder au règlement des capitaux. Si ces démarches n’aboutissent pas, les sommes doivent être transférées à la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) selon le calendrier suivant :

  • 10 ans après la date de connaissance du décès de l’assuré ou la date d’échéance du contrat ;
  • 20 ans après la date de naissance de l’assuré si le contrat comporte une clause de contre-assurance décès.

Une fois les fonds transférés à la CDC, les bénéficiaires disposent encore d’un délai de 20 ans pour les réclamer. Passé ce délai, les sommes sont acquises à l’État.

Les démarches pour retrouver un contrat d’assurance vie oublié

Si vous pensez être bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie dont vous ignorez l’existence ou si vous cherchez à retrouver un contrat souscrit par un proche décédé, plusieurs démarches sont possibles.

La consultation du dispositif FICOVIE

Le Fichier des Contrats de capitalisation et d’assurance VIE (FICOVIE) permet de retrouver la trace d’un contrat d’assurance vie. Ce fichier, géré par l’administration fiscale, recense l’ensemble des contrats d’assurance vie et de capitalisation souscrits auprès des compagnies d’assurance françaises. Bien que ce fichier ne soit pas directement accessible aux particuliers, il peut être consulté par les notaires dans le cadre d’une succession. Si vous êtes engagé dans une procédure successorale, n’hésitez pas à demander à votre notaire de vérifier l’existence de contrats d’assurance vie dans le FICOVIE.

Le recours au service Ciclade de la caisse des dépôts

Le service Ciclade, mis en place par la Caisse des Dépôts et Consignations, permet aux particuliers de rechercher gratuitement les sommes issues de comptes bancaires inactifs et de contrats d’assurance vie en déshérence qui ont été transférées à la CDC. Pour utiliser ce service, il suffit de se rendre sur le site internet de Ciclade et de créer un compte. Vous pourrez alors effectuer une recherche en fournissant les informations relatives à la personne concernée (nom, prénom, date de naissance). Si une correspondance est trouvée, vous serez guidé dans les démarches à suivre pour récupérer les fonds.

La procédure de demande auprès de l’AGIRA

L’Association pour la Gestion des Informations sur le Risque en Assurance (AGIRA) propose un service gratuit permettant de vérifier si vous êtes bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie. Pour effectuer une demande auprès de l’AGIRA, vous devez leur adresser un courrier contenant vos informations d’identification courantes (nom, prénom, date de naissance…) ainsi que celles du souscripteur présumé du contrat avec sa date de décès. Une copie de l’acte de décès du souscripteur est également à joindre.

L’AGIRA transmettra votre demande à l’ensemble des assureurs, qui auront l’obligation de vérifier dans leurs bases de données si vous êtes effectivement bénéficiaire d’un contrat. Si c’est le cas, l’assureur concerné vous contactera pour vous informer de vos droits et des démarches à suivre pour percevoir les capitaux.

L’utilisation des services de généalogistes successoraux

Dans certains cas complexes, notamment lorsque les bénéficiaires sont difficiles à localiser ou que la succession est compliquée, il peut être utile de faire appel aux services d’un généalogiste successoral. Ces professionnels spécialisés dans la recherche d’héritiers peuvent vous aider à retrouver la trace de contrats d’assurance vie oubliés et à établir vos droits en tant que bénéficiaire. Bien que leurs services soient payants, leur expertise sert à débloquer des situations complexes et vous permettre de récupérer des sommes parfois importantes.

La procédure de récupération des fonds

Une fois qu’un contrat d’assurance vie en déshérence a été identifié et que vous avez été reconnu comme bénéficiaire, il reste encore plusieurs étapes à franchir pour récupérer effectivement les fonds. Cette procédure peut varier selon que le contrat est toujours géré par l’assureur ou qu’il a été transféré à la Caisse des Dépôts et Consignations.

Les documents nécessaires pour prouver sa qualité de bénéficiaire

Pour récupérer les fonds d’un contrat d’assurance vie en déshérence, vous devrez prouver votre qualité de bénéficiaire. Les documents généralement requis sont une pièce d’identité en cours de validité, un acte de naissance, un acte de décès du souscripteur, un certificat d’héritage (ou un acte de notoriété si vous êtes héritier) ainsi qu’un relevé d’identité bancaire pour le versement des fonds.

Dans certains cas, des documents supplémentaires peuvent être demandés, notamment si la clause bénéficiaire du contrat est complexe ou si votre lien avec le souscripteur nécessite des éclaircissements.

Les délais de prescription et l’incidence sur la récupération

La question des délais de prescription se pose lorsqu’il s’agit de récupérer les fonds d’un contrat d’assurance vie en déshérence. En effet, la loi prévoit des délais après lesquels il n’est plus possible de réclamer les sommes dues. Ces délais sont les suivants :

  • 10 ans à compter du décès de l’assuré : passé ce délai, si les capitaux n’ont pas été réclamés, l’assureur doit transférer les fonds à la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) ;
  • 20 ans à compter du dépôt à la Caisse des Dépôts : si les bénéficiaires ne se manifestent pas dans ce délai, les fonds sont définitivement acquis à l’État et ne peuvent plus être réclamés.

Il est donc essentiel d’entamer les démarches de récupération dès que vous avez connaissance de l’existence potentielle d’un contrat d’assurance vie à votre bénéfice. Passés ces délais, toute demande devient impossible.

La taxation applicable aux contrats d’assurance vie en déshérence

La fiscalité applicable aux contrats d’assurance vie en déshérence peut avoir des répercussions sur les sommes effectivement perçues par les bénéficiaires. Le régime fiscal dépend de plusieurs éléments, notamment la date de souscription du contrat, l’âge de l’assuré au moment des versements, et la date du décès.

Pour les contrats souscrits avant le 20 novembre 1991, les primes versées avant le 13 octobre 1998 bénéficient d’une exonération spécifique : chaque bénéficiaire dispose d’un abattement de 152 500 €, puis une taxation de 20% jusqu’à 852 500 €, et 31,25% au-delà.

Entre le 20 novembre 1991 et le 12 octobre 1998, les primes versées obéissent au même régime : exonération jusqu’à 152 500 € par bénéficiaire, puis 20% jusqu’à 852 500 € et 31,25% au-delà, quel que soit l’âge de l’assuré lors de ces versements.

Depuis le 13 octobre 1998, deux régimes coexistent selon l’âge de l’assuré au moment des versements :

  • Avant 70 ans : exonération à hauteur de 152 500 € par bénéficiaire, puis taxation de 20% puis 31,25% au-delà de 852 500 €.
  • Après 70 ans : l’ensemble des primes versées après cet âge est soumis aux droits de succession, après application d’un abattement global de 30 500 € (les produits générés restant exonérés).

Notez que ces règles fiscales s’appliquent également aux contrats en déshérence, même si leur récupération intervient plusieurs années après le décès de l’assuré. La date de référence pour l’application de la fiscalité reste celle du décès du souscripteur.

Les enjeux et les évolutions du traitement des contrats en déshérence

Le traitement des contrats d’assurance vie en déshérence demeure un enjeu important pour le secteur de l’assurance et des pouvoirs publics. Au fil des années, les législations successives ont cherché à améliorer l’identification et la restitution des capitaux non réclamés. Cependant, malgré ces efforts, des manquements persistent et de nouvelles perspectives sont envisagées pour améliorer le processus.

Le bilan des actions menées depuis la loi Eckert

Depuis l’entrée en vigueur de la loi Eckert en 2016, des progrès conséquents ont été réalisés dans la gestion des contrats en déshérence. Les assureurs ont mis en place des procédures plus rigoureuses pour identifier les contrats non réclamés et rechercher activement les bénéficiaires. Cependant, malgré ces progrès, un volume important de contrats reste en déshérence. Ce constat souligne la nécessité de poursuivre les efforts et d’envisager de nouvelles pistes pour améliorer l’efficacité du dispositif.

Les perspectives d’évolution de la réglementation

Plusieurs pistes d’évolution de la réglementation sont actuellement en cours de test. Il est prévu de renforcer les obligations de communication des assureurs envers les souscripteurs et les bénéficiaires potentiels et d’améliorer l’interopérabilité des systèmes d’information entre les différents acteurs (assureurs, Caisse des Dépôts, administration fiscale). La mise en place d’un registre centralisé des contrats d’assurance vie, accessible aux particuliers sous certaines conditions devrait accélérer l’efficacité des mesures. Aussi, l’extension des délais de prescription pour la réclamation des capitaux en déshérence est envisageable.

Le rôle croissant des technologies dans l’identification des bénéficiaires

Les progrès technologiques interfèrent davantage dans la lutte contre la déshérence des contrats d’assurance vie. L’utilisation de l’intelligence artificielle et du big data ouvre de nouvelles perspectives pour améliorer l’identification des bénéficiaires et la gestion des contrats non réclamés.

Algorithmes de recherche avancés, blockchain et plateformes en ligne sont des technologies opportunes. Elles vont permettre d’automatiser et d’accélérer les processus de recherche des bénéficiaires, tout en réduisant les risques d’erreurs. Cependant, leur déploiement soulève également des questions en termes de protection des données personnelles et de sécurité informatique, qui devront être adressées par les régulateurs et les acteurs du secteur.

L’impact économique et social de la restitution des capitaux en déshérence

La restitution des capitaux issus des contrats d’assurance vie en déshérence a des implications économiques et sociales importantes. Outre l’aspect financier pour les bénéficiaires, cette démarche contribue à une meilleure circulation des capitaux dans l’économie et à une redistribution plus équitable des richesses.

D’un point de vue économique, la réinjection de ces sommes dans le circuit financier peut avoir un effet stimulant sur la consommation et l’investissement. Pour les ménages bénéficiaires, ces capitaux inattendus peuvent être une opportunité d’améliorer leur situation financière, de réaliser des projets ou de préparer leur retraite.

Sur le plan social, la restitution des contrats en déshérence participe à la réduction des inégalités patrimoniales. Elle permet à des personnes qui ignoraient l’existence de ces contrats de bénéficier d’un héritage auquel elles ont légitimement droit.

Enfin, la lutte contre la déshérence des contrats d’assurance vie contribue à renforcer la confiance du public dans le système financier et assurantiel. En démontrant leur capacité à gérer efficacement ces situations et à restituer les capitaux à leurs légitimes bénéficiaires, les assureurs et les pouvoirs publics consolident la crédibilité du secteur.